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Travailler avec bienveillance : utopie ou levier de mieux-être collectif ?

Julie Banville, CRHA
Travailler avec bienveillance : utopie ou levier de mieux-être collectif ?

On entend de plus en plus parler de bienveillance et de compassion au travail. Pour certain·es, ce sont de jolis concepts un peu naïfs. Pour d’autres, ce sont des ingrédients essentiels d’un milieu de travail sain. Mais qu’en est-il vraiment ? Est-ce qu’être gentil rend réellement le travail plus efficace, ou est-ce juste une façon polie d’éviter les conflits et de manquer de courage managérial? 

Clarifions les choses tout de suite : la bienveillance n’est pas un piège pour faire accepter n’importe quoi, ni une stratégie de « gestion participative ». C’est un outil puissant pour bâtir un climat de travail plus serein… et plus performant.

 

Bienveillance ≠ faiblesse

Il est temps de dissiper un mythe tenace : non, la bienveillance n’est pas synonyme de complaisance. Comme le rappelle un article des Affaires[1], il ne suffit pas d'accrocher une affiche « ici, on est bienveillants » pour que tout roule. La bienveillance, ce n’est pas dire oui à tout, éviter les sujets qui fâchent ou balayer les tensions sous le tapis. C’est justement le contraire : c’est choisir de dire les choses de manière respectueuse, d’écouter sincèrement et d’agir avec considération, même dans les moments difficiles.

Elle implique du courage, de la constance, et une réelle volonté de reconnaître l’autre comme un être humain, pas juste comme un·e « collègue performant·e ».

Ce que la science nous dit

Et la science, justement, appuie l’idée que ce n’est pas une perte de temps. Une étude publiée dans The Journal of Personality and Social Psychology montre que la reconnaissance sincère, un simple « merci » bien placé, peut augmenter de 50 % les comportements d’entraide. Dans une autre recherche, menée à l’Université de Pennsylvanie, les employé·es dont le ou la gestionnaire exprimait de la gratitude étaient non seulement plus motivé·es, mais aussi plus résilient·es face aux défis.

Harvard Business Review va plus loin : une personne leader perçue comme « gentille » et en qui l’on a confiance , c’est-à-dire à la fois exigeante et respectueuse, favorise un meilleur engagement, moins de roulement et une performance accrue. Rien de naïf là-dedans.

Compassion et civilité : les nouvelles attitudes essentielles

La compassion, tout comme la civilité, n’est pas réservée aux équipes de soins ou aux milieux communautaires. Dans une étude de l’Association professionnelle des cadres supérieurs de la fonction publique fédérale (2021), on apprend que l’incivilité au travail, qu’elle soit subtile ou manifeste, est l’un des facteurs les plus dommageables pour la santé mentale des employé·es. Elle augmente le stress, diminue l’engagement et contamine tout un climat de travail.

À l’inverse, la compassion active (qui consiste à remarquer la souffrance de l’autre, à s’en soucier, puis à agir) favorise un climat d’appartenance, de sécurité et de coopération. C’est ce que confirme une étude canadienne sur des environnements de travail empreints de compassion : les employé·es s’y disent plus écouté·es, soutenu·es et confiant·es, et ça se reflète dans les résultats de l’organisation.

Ce que ça change au quotidien

Concrètement, la bienveillance se manifeste dans les petits gestes : prendre le temps de demander comment ça va (et écouter vraiment la réponse), saluer le travail d’un·e collègue, accepter les erreurs comme des occasions d’apprentissage, offrir de l’aide sans que ce soit une obligation, etc.

Ce sont des comportements simples, mais ils envoient un message fort : « Tu comptes, ce que tu vis est important, et on est ensemble dans cette aventure. » 

Et ce n’est pas réservé aux gestionnaires. Chacun, à son niveau, peut contribuer à un climat plus serein : 

  • En osant parler avec respect, même quand c’est délicat
  • En étant attentif à la charge émotionnelle des autres
  • En faisant preuve de patience face à une réaction inhabituelle
  • En exprimant de la reconnaissance, pas juste pour les « grands exploits », mais aussi pour les petits gestes du quotidien

La bienveillance ne remplace pas les processus, elle les rend humains

Soyons clairs : la bienveillance n’est pas une excuse pour ne pas gérer les problèmes. Elle ne remplace pas les directives, les attentes claires ou les responsabilités. Mais elle change la manière dont on les applique. Elle humanise les processus. Elle met les relations au cœur de l’organisation, sans sacrifier l’efficacité.

Alors que les frontières entre vie professionnelle et personnelle peuvent être très floues, et où l’épuisement guette, miser sur la qualité des relations n’est pas un luxe : c’est une nécessité stratégique.

Et si on commençait aujourd’hui ?

Pas besoin d’attendre une révolution culturelle pour cultiver un peu plus de bienveillance au travail. On peut commencer par une question sincère, une reconnaissance bien placée, un geste de soutien inattendu. C’est souvent dans ces détails que se construisent les environnements de travail durables… et agréables.

Pour aller plus loin :

Santé mentale: privilégier l'autogestion pour retrouver l'équilibre

 

Santé mentale : privilégier les pratiques d’autogestion avec votre équipe

 

[1] Les Affaires – La bienveillance au travail ça peut pas marcher

 

Sources :
Compassion et bienveillance pour un environnement de travail plus serein (Facteur H)
A Little Thanks Goes a Long Way: Explaining Why Gratitude Expressions Motivate Prosocial Behavior (Francesca Gino et Adam M Grant)
The Hard Data on Being a Nice Boss (Harvard Business Review)

Photo de Igor Omilaev sur Unsplash

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