Un virage rendu incontournable

La Loi sur la santé et la sécurité du travail date de 1979, une époque où la santé mentale au travail était tout simplement absente des préoccupations officielles. On n’en parlait pas, alors même que les impacts psychologiques du travail existaient déjà. Quarante-cinq ans plus tard, la réalité ne peut plus être ignorée : plus de la moitié des invalidités en entreprise sont aujourd’hui liées à des troubles psychologiques. Le législateur a donc choisi de mettre à jour le cadre juridique pour refléter cette transformation majeure.
En pratique, cela signifie que la prévention doit désormais viser autant l’ergonomie d’un poste que la reconnaissance au travail, autant la sécurité d’un entrepôt que la charge de travail imposée aux équipes.
Ce que la loi change pour les organisations
Les obligations varient selon la taille de l’entreprise :
► Moins de 20 employé·es doivent désigner un·e agent·e de liaison et mettre en place un plan d’action simplifié.
► À partir de 20 employé·es, un comité santé-sécurité est requis, avec un programme structuré incluant les RPS. Des formations sont obligatoires pour les personnes traitant les plaintes et recommandées pour tous. La CNESST encourage aussi des audits internes réguliers pour assurer la conformité et l’adaptation continue des pratiques.
Identifier et comprendre les risques : une responsabilité partagée
La Loi 27 distingue deux types de risques : les situations nécessitant une action immédiate (harcèlement, violence, événements traumatiques) et les facteurs psychosociaux comme la charge de travail, le soutien ou la reconnaissance. Bien gérés, ces facteurs renforcent l'engagement et la santé mentale. La loi souligne aussi la responsabilité partagée : chaque employé·e doit veiller à sa propre santé psychologique (article 49) et les employeurs doivent inclure la violence conjugale et familiale dans leurs mesures de prévention (article 51). Promouvoir un environnement de travail sain devient ainsi un projet collectif.
Une démarche structurée en trois étapes
Plutôt que de se perdre dans des listes d’actions ponctuelles, la prévention des risques psychosociaux gagne à s’inscrire dans une démarche claire, progressive et intégrée.
Nous la résumons en trois étapes clés :
1. Comprendre et diagnostiquer
2. Planifier et agir
3. Déployer et ajuster
Bonnes pratiques et erreurs fréquentes
Quelques leviers renforcent l’efficacité de la démarche :
- Inscrire cette démarche comme une priorité de l’organisation, avec l’implication concrète de la haute direction
- Former les gestionnaires dès le départ pour qu’ils ou elles intègrent la prévention dans leur style de gestion.
- Impliquer les employé·es pour assurer la cohérence et l’adhésion.
- Reconnaître les efforts et maintenir une communication transparente.
À l’inverse, certaines erreurs nuisent à la crédibilité des initiatives :
- Interrompre le processus après le diagnostic sans mettre en œuvre de plan d’action.
- Circonscrire la prévention au seul service RH ou à un comité restreint.
- Miser sur des interventions isolées (ex. une formation ponctuelle) sans revoir l’organisation du travail et les pratiques de gestion en place.
Transformer l’obligation en levier stratégique
Se conformer à la Loi 27 ne devrait pas être vu comme un simple exercice de conformité. Pour les organisations, il s’agit d’une occasion unique de :
- renforcer leur réputation et leur attractivité comme employeur;
- réduire l’absentéisme et les conflits;
- fidéliser les talents;
- stimuler la productivité en créant un climat de confiance et d’équité.
La prévention des RPS devient alors bien plus qu’un mécanisme légal : c’est un outil de gouvernance et de performance durable.
Pour conclure
La Loi 27 change les règles du jeu : la santé organisationnelle ne se limite plus à l’évitement des blessures physiques, mais inclut désormais la santé psychologique et les facteurs humains.
Depuis avril 2022, les nouvelles exigences en matière de prévention des risques psychosociaux s’appliquent sous la forme d’un programme intérimaire. Mais cette période transitoire touche à sa fin : à compter du 6 octobre 2024, toutes les organisations devront être pleinement conformes au nouveau cadre légal.
En intégrant dès maintenant la prévention des risques psychosociaux dans leurs pratiques, les entreprises ne font pas que répondre à une obligation : elles se donnent un puissant levier stratégique.
Pour aller plus loin :
➡️ Harcèlement au travail : prévenir et intervenir en tant que gestionnaire