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Les forces et les limites du micro learning

Françoise Crevier
Les forces et les limites du micro learning

On n’arrête pas de le répéter : tout va plus vite, trop vite! Pour tenter de s’adapter à ce rythme effréné, on a imaginé le micro learning. On voit souvent sur le web de petites vidéos : la minute de formation! Que peut-on apprendre en 1 minute? Cela vaut-il la peine? Quel type de connaissances peut se prêter à ce jeu? Voilà l’objet de cette réflexion.

Apprendre par petites bouchées permettrait à toute personne de suivre une formation dans le métro, dans la salle d’attente du dentiste ou encore entre deux réunions. Génial! Mais est-ce que ça fonctionne? En réalité, je pense que ça dépend du but visé par la formation… Voici quelques situations possibles.

Apprendre par cœur

Quand on pense à apprendre par cœur, on pense normalement à des connaissances factuelles (des faits), des connaissances qui ne se discutent pas. Par exemple, des tables de multiplication : que vous soyez d’accord ou non, 4 fois 8 feront toujours 32. La bataille des Plaines d’Abraham a eu lieu en 1759. Bref, des données que l’on doit apprendre par cœur.

Pour apprendre une langue étrangère, on sait que cinq minutes par jour donnent des résultats intéressants sur le long terme! On nous fait répéter plusieurs fois, on enregistre les erreurs faites et on les ramène jour après jour tant que ce n’est pas fluide, on peut évaluer le temps mis pour répondre, déduisant ainsi notre niveau de confiance quant aux choix de réponse.
Pour ce type des connaissances (les connaissances factuelles), le micro learning est un outil très intéressant.

Acquérir des connaissances particulières

Si on veut que la formation permette d’intégrer des connaissances spécifiques, l’efficacité du micro learning dépend sans doute du niveau de complexité des connaissances en question. Mais il est possible d’y arriver dans certaines conditions.

Imaginons que l’on souhaite former une équipe de préposés au service à la clientèle (SAC) afin que chacun·e applique les principes de l’entreprise en matière de SAC. On pourrait imaginer une série de capsules proposant des sketches (ou des vidéos ou bandes dessinées) qui illustrent les difficultés à surmonter et les comportements attendus. Le tout pourrait être humoristique et proposé aux participants au rythme d’une capsule par semaine. Ça fonctionnerait sans doute… et ça pourrait laisser une trace si on a la sagesse de conserver les mêmes personnages d’une capsule à l’autre et de les relier par une histoire plus globale.

La faiblesse, en micro learning, c’est que l’apprentissage est fragmentaire; il est détaché, isolé du reste de nos connaissances parce qu’en quelques minutes, on ne peut pas faire appel aux connaissances antérieures, s’y ancrer, présenter les nouvelles connaissances et, en plus, faire le lien avec le contexte professionnel. Ça dépasserait les limites du micro learning. C’est une autre faiblesse importante : la courte durée de ces formations.

Qui dit micro learning, dit petites bouchées détachées qu’on appelle, à juste titre, des nuggets. Cela signifie que les liens peuvent être difficile à établir entre toutes ces pièces détachées : liens entre les nuggets eux-mêmes, liens avec nos connaissances actuelles et liens avec notre contexte de travail.
Si le niveau de complexité des connaissances est plus élevé, le micro learning ne pourra pas donner de résultats pérennes parce que les liens dont on vient de parler n’auront pas été construits adéquatement.

Développer des habiletés

Ici aussi , je pense que le micro learning atteint sa limite. En effet, comment faciliter l’apprentissage de la résolution de problèmes, de la prise de décision, du développement de la pensée critique ou autre habileté complexe grâce à des nuggets? Ce serait étonnant d’atteindre des résultats durables parce que ces habiletés complexes se développent sur le long terme et lors de l’accomplissement de tâches en milieu de travail.

Développer des compétences

Si vous lisez quelque part qu’un organisme propose le micro learning comme outil de développement de compétences, inquiétez-vous! Il se peut que cet organisme n’ait pas saisi que les compétences sont des objets cognitifs tellement complexes qu’on considère qu’il faut environ 5000 heures de pratique pour devenir compétent dans un domaine particulier . Par exemple, pour exercer la compétence GÉRER UN PROJET de façon professionnelle et fluide, il faudra une formation adéquate suivie d’environ 5000 heures de pratique, en débutant par des projets de petite envergure pour en accroître graduellement la complexité. Les capsules de micro learning ne remplaceront jamais ni les apprentissages « structurés », ni les heures de pratique en situation authentique , essentielles au développement de compétences.

Un dernier détail important

Le micro learning, à cause même de son intention d’efficacité et de rapidité, utilise dans presque tous les cas des techniques andragogiques transmissives : je t’explique, tu vas comprendre… Oui, je vais comprendre, mais cela ne signifie pas que je vais retenir à court terme et encore moins que je vais transférer ces supposés apprentissages dans le cadre de mon travail. C’est une autre limite dont on doit tenir compte.
En conclusion, assurez-vous de choisir judicieusement ces activités, sous peine de gaspiller temps et argent. Si c’est trop beau pour être vrai…

Pour aller plus loin :

Formation synchrone : concevoir des environnements d’apprentissage engageants

 

Photo de Gabriella Clare Marino sur Unsplash

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