Leadership et gestion des talents
Article
Nouvelle
Étude de cas
Portrait de formateur

Les 5 légendes pédagogiques les plus répandues

Françoise Crevier
Les 5 légendes pédagogiques les plus répandues

Il y a peu nous passions en revue quelques neuromythes (des croyances à propos de la formation ou de l’éducation, qui ne reposent pas sur des données probantes) encore trop bien ancrés dans l’esprit des gens, comme la notion de cerveau droit/cerveau gauche ou le multitâche. Nous poursuivons aujourd’hui la discussion avec Françoise Crevier, spécialiste en ingénierie pédagogique, pour cette fois aborder quelques légendes pédagogiques. Par légende pédagogique on entend une mauvaise conception liée à l’enseignement lui-même.

Découvrez les 5 légendes pédagogiques les plus répandues.

1-Le « microlearning » pour apprendre plus vite

le microlearning n'est pas de l'apprentissage

Photo by Peter Yost on Unsplash

« Abonnez-vous à notre minute de formation! ». Attention à ne pas confondre « formation » et « information ». On peut informer pendant une minute, c’est ce que font d’ailleurs les bulletins de nouvelles, mais former est bien différent. Pour bien former une personne, il faut transformer durablement les connexions entre ses neurones. Permettez-moi d’avoir des doutes à ce sujet après une minute d’information…  Ce n’est pas parce que tout doit être rapide et facile que nous apprenons plus vite. Nos mécanismes d’encodage sont biochimiques et ils n’ont probablement pas tellement changé depuis le chasseur de mammouth et la cueilleuse de bleuets…

Apprendre est exigeant et cela nécessite de créer des liens avec nos connaissances actuelles. Une minute de formation risque d’être un coup d’épée dans l’eau!

2-Vive la technologie

La technologie n'est pas l'apprentissage

Photo by Uriel Soberanes on Unsplash

Et si on ajoutait des éléments médiatiques pour éviter que les participants ne perdent intérêt pendant les cours ? La question devrait plutôt être : Pourquoi les participants décrochent-ils ? Probablement parce que seul le formateur est cognitivement actif : il s’amuse et prend du plaisir à diffuser un contenu qui le passionne ! Les participants, quant à eux, sont juste des spectateurs passifs dont le cerveau n’est pas suffisamment stimulé. Ils passent donc en « mode veille » et leur cerveau tourne au ralenti, au cas où, tout à coup, un élément imprévu présenterait de l’intérêt…
La solution ? Moins enseigner et plutôt créer des environnements stimulants qui les obligeront à apprendre par eux-mêmes et à construire leurs propres connaissances, seuls ou en équipe, à leur façon. Si un cours est conçu à cette fin, le formateur n’est pas indispensable à l’apprentissage et il peut facilement (et avantageusement) devenir un guide. La solution réside dans le scénario pédagogique que l’on crée et non dans les ajouts technologiques.

3-La formation est bonne car les participants sont contents

Heureux ou formé ?

Photo by Lidya Nada on Unsplash

L’opinion des participants est à interpréter avec prudence. Ils ne connaissent pas le domaine avec suffisamment de profondeur pour porter un jugement critique. C’est normal puisqu’ils se sont inscrits au cours! Pour la plupart des participants, un cours est bon si l’expert prépare un contenu très bien structuré, s’il enseigne clairement, s’il interagit avec les participants, s’il pose des questions et s’il donne des exercices. Leurs attentes sont donc relativement basses et il est facile d’obtenir des taux de satisfaction élevés dans ce contexte.
Or, les experts utilisent (presque toujours) la logique de la personne qui sait et non l’approche selon les yeux d’une personne qui veut apprendre. Dit autrement, le chemin de l’apprentissage n’est pas le chemin cognitif emprunté par l’expert. Dans ce type d’approche, c’est l’expert qui mène le bal! Il sait où il va et il « remorque » les cerveaux jusqu’à destination, sans écueils et sans risques.
Il faut procéder autrement : en créant des environnements d’apprentissage qui posent des défis aux participants, les font avancer à leur rythme, les laisse commettre des erreurs… afin de les aider au besoin. Les guider au lieu de les remorquer! Leurs cerveaux sont actifs et ils apprennent… Certains vont trouver cela moins confortable car plus exigeant, mais mieux adapté à la réalisation des tâches professionnelles.

4-Compétence ou connaissance?

Connaissance ou compétence

Photo by Isaac Ibbott on Unsplash

Les connaissances sont des constructions cognitives fabriquées graduellement et stockées en mémoire dans notre réseau de neurones. Par exemple, au fil de ses apprentissages, le musicien est capable de lire des partitions de plus en plus complexes. Plus on a eu l’occasion de stocker de connaissances, plus notre coffre à outils est riche et bien garni.
Les compétences, elles, ne sont pas stockées : on les déploie et on les démontre à chaque occasion, mais sans garantie… L’exemple du musicien est éclairant. Le soliste a de nombreuses connaissances en théorie musicale et en interprétation. Lors d’un concert, il fait appel à ses connaissances pour interpréter la partition (et ravir les spectateurs). Mais rien ne garantit qu’il y parviendra à l’identique, soir après soir et que tout sera parfait. Il se pourrait qu’il soit moins compétent ce soir qu’il ne l’a été la veille…

5-Les experts sont des pédagogues naturels

Expert ou pédagogue

Photo by Cookie the Pom on Unsplash

Nous sommes tous allés à l'école pendant de nombreuses années et nous avons interagi avec plusieurs enseignants, mais cela ne fait pas de nous des pédagogues! Il nous manque des connaissances solides, qui permettent le déploiement des compétences particulières de ce domaine. Il en va de même pour la conception de cours. Aider à développer des compétences relève de l’ingénierie pédagogique, un métier que les experts du contenu ne possèdent pas.
C’est pourquoi les experts doivent travailler en tandem avec des concepteurs pédagogiques. Tandis que les premiers garantissent la qualité et l'exactitude du contenu, les seconds proposent des approches pédagogiques efficaces.

Comme les neuromythes, les légendes pédagogiques sont encore trop répandues. Élaborer une formation engageante qui répond à UN objectif pédagogique clairement formulé nécessite le travail en tandem d’un expert du domaine et d’un spécialiste en ingénierie pédagogique. À chacun son métier!

Pour aller plus loin : 

Conception pédagogique : créer des formations engageantes et efficaces

Voir toutes les formations en Développement des compétences

Image principale : Photo by Hello I'm Nik on Unsplash 

Articles similaires

Voir tous les articles de blogue