Du 6 au 12 mai, l’Association canadienne pour la santé mentale – Division du Québec, pilote pour une 73e année la Semaine canadienne de la santé mentale. L’organisme mentionne que le stress, l'anxiété et la solitude atteignent des niveaux inquiétants au Québec, une situation aggravée par les inégalités sociales, la crise de l’abordabilité du logement, les clivages politiques et les préoccupations persistantes à l’égard des changements climatiques. L’organisme lance cette année un « appel à la gentillesse » et invite le public à faire preuve davantage de compassion au quotidien.
« Dans le monde d’aujourd’hui, des petits gestes de compassion peuvent raviver un peu l’espoir en l’humanité pour les autres et pour soi-même »
- Marc-André Dufour, psychologue et porte-parole de la campagne.
Des chiffres peu reluisants, encore aujourd’hui
L’Association canadienne pour la santé mentale a tout récemment commandé un sondage des agences Maru/Matchbox et Maru Public Opinion auprès de 1 057 Canadien·nes afin d’obtenir quelques données sur l’état de la compassion à travers le pays. D’abord, 92 % des Canadien·nes sondé·es, dans leur vie quotidienne, se déclarent compatissant·es et encore plus (94 %) disent que leur famille et leurs ami·es le sont. Également, près de la moitié des Canadien·nes sondé·es (48 %) disent simplement qu'ils ou elles n'ont pas le temps ou les ressources pour agir et aider autrui, compte tenu de tout ce qui se passe dans leur vie.
Quand la santé mentale gagne le milieu de travail
Selon le directeur de l’Observatoire sur la santé et le mieux-être au travail (OSMET), Alain Marchand, la santé mentale est aujourd’hui un sujet beaucoup plus présent qu’il y a quelques années. C’est signe que les choses tendent à s’améliorer et que les employé·es s’ouvrent davantage sur ce qu’ils ou elles vivent. D’autre part, les employeur·ses font aussi leur bout de chemin sur la question. Promotion de l’activité physique, séances de yoga, ateliers sur la gestion du stress et mise en place d’initiatives de conciliation travail-vie personnelle ne sont que quelques exemples que l’on voit naître au sein des organisations.
Mélanie Dufour-Poirier, professeure agrégée à l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal, se surprend encore de constater que les employeur·ses sont encore trop nombreux·ses à se poser des questions sur les causes de la fragilité psychologiques des employé·es. Pour elle, si certains troubles mentaux vécus sont liés à la sphère privée, il n’en demeure pas moins que ces problématiques sont souvent liées à la vie professionnelle.
Les employeur·ses et entrepreneur·ses aussi visé·es
Selon une étude de l’Université de Californie à Berkeley, 72 % des entrepreneur·ses ont répondu avoir des problèmes de santé mentale. C’est ce que dévoile le livre « Et si l’entrepreneuriat rendait fou ? » de Dominic Gagnon et Isabelle Naessens, remplit de témoignages en ce sens.
« L’épuisement professionnel, ou burn out, devient ainsi un phénomène courant, presque un passage obligé, et non une alerte sérieuse indiquant que quelque chose doit changer »
- Simon Litalien, président fondateur de l’agence Kabane
Existe-t-il des pistes de solutions?
Pour la chercheure Dufour-Poirier, le travail d’éducation à faire dans les milieux de travail est grand puisque les stéréotypes de performance sont encore bien présents. « Il y a un paradigme de la productivité et de l’hyper-performance au travail qui comporte des coûts humains et sociaux extrêmement importants ». Aborder la question de la santé mentale contribuera à briser les tabous qui persistent et à s’habituer à de nouveaux modèles de performance. En bref, la solution? En parler, tout simplement, le plus ouvertement possible en créant une culture du dialogue et du non-jugement au sein de l’entreprise.
Et si le fait d’investir en santé mentale nous faisait gagner en productivité? C’est sur cette note positive que débute la lettre ouverte de Pierre Graff, président du Regroupement des jeunes chambres de commerce du Québec, dans Les Affaires, en octobre 2023. Pour lui, si on ne s’en préoccupe pas, la dégradation de la santé mentale des employé·es a un impact financier majeur sur les entreprises… et sur leur performance. D'ailleurs, 89 % des jeunes professionnels selon l’étude Léger du RJCCQ jugent positivement les initiatives de soutien en matière de bien-être psychologique mises en place par leurs employeurs lorsqu’ils y ont accès.
Pour conclure
Pour les employeur·ses, la première action à faire consiste à engager la discussion et à poursuivre les efforts de déstigmatisation des enjeux de santé mentale. Des outils en ligne permettent aux ressources humaines d’une organisation d’autoévaluer sa santé psychologique et globale. Enfin, les employeur·ses disposent de ressources de soutien dont ils ou elles peuvent faire la promotion. Les solutions existent et leur bénéfice est grand tant pour l’entreprise que pour l’employé·e.
Pour aller plus loin :